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Les bourdons sous pression : utiliser les données climatiques pour comprendre les risques futurs

Date 2 octobre 2025
Auteur Ryan O’Connor et Frances Delaney
Sujets Agriculture, Données climatiques en action
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Introduction

Les bourdons sont les héros méconnus de nos écosystèmes, pollinisant discrètement les cultures et les plantes sauvages qui soutiennent la biodiversité et la production alimentaire. Mais au Canada, ces pollinisateurs essentiels sont confrontés à des menaces sans précédent. Ces dernières années, la communauté scientifique et les médias ont débattu du déclin des populations d’abeilles à travers le pays.

Ce déclin a été attribué à divers facteurs, notamment l’utilisation généralisée des néonicotinoïdes, un groupe de pesticides pouvant provoquer la paralysie et la mort en cas d’exposition, ainsi que la perte d’habitat. De plus en plus de recherches identifient également les changements climatiques comme une menace pour les populations d’abeilles au Canada.

L’article suivant utilise les bourdons comme étude de cas pour illustrer comment les données climatiques peuvent informer les évaluations des risques potentiels futurs pour une espèce. En examinant des exemples tels que les épisodes de chaleur et de froid extrêmes, nous montrons comment les outils disponibles sur Donneesclimatiques.ca peuvent mettre en  évidence les facteurs de stress climatiques qui affectent directement la santé des pollinisateurs et mener des discussions sur la façon dont ces facteurs pourraient évoluer à l’avenir.

A bumble bee with its face in a pink flower

 

Les changements climatiques et les abeilles

La chaleur extrême et ses effets sur le couvain des bourdons

L’interval de température optimale pour le couvain des bourdons (les œufs, les larves et les pupes qui se développent dans le nid) est comprise entre 28 et 32°C. Les abeilles ouvrières régulent cette température en frissonnant pour générer de la chaleur ou en battant des ailes pour refroidir le nid. Cependant, les températures supérieures à 36°C sont mortelles. Des recherches montrent que même si davantage d’ouvrières battent des ailes pendant les vagues de chaleur, ces efforts ne parviennent généralement pas à empêcher la surchauffe. Le développement du couvain étant essentiel à la survie de la colonie, les épisodes de chaleur extrême augmentent le risque d’effondrement de la colonie.[1]

Pour illustrer ces risques, nous nous concentrons sur Niagara-on-the-Lake, une petite ville de la péninsule du Niagara, en Ontario, connue pour son tourisme, ses vergers et ses vignobles. Nous avons examiné le nombre de jours où les températures maximales quotidiennes sont projetées à dépasser 36°C. Bien que ce seuil corresponde à la température du nid, les températures ambiantes extrêmes influencent fortement les conditions du nid, et des recherches montrent que les bourdons ne peuvent souvent pas empêcher la surchauffe pendant les vagues de chaleur. La température de l’air constitue donc un bon indicateur pour estimer le risque pour la survie du couvain. 

 

Figure 1 : Nombre projeté de jours par an la température maximale quotidienne dépassera 36°C près de Niagara-on-the-Lake, en Ontario, selon un scénario d’émissions modérées (SSP2-4.5) et un scénario d’émissions élevées (SSP5-8.5).  

 

Historiquement, les jours où la température maximale dépasse 36°C ont été extrêmement rares dans cette région. Cependant, les modèles climatiques prévoient que d’ici la fin du siècle, la médiane pourrait dépasser 20 jours par an dans un scénario d’émissions  élevées (SSP5-8.5). Dans un scénario d’émissions modérées (SSP2-4.5), la fréquence devrait être beaucoup plus faible, ce qui souligne le rôle de l’atténuation dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la limitation des risques liés à la chaleur extrême. 

 

Les changements climatiques et comas hypothermiques

Le froid extrême est également un facteur de stress important pour les bourdons. Même si l’on prévoit généralement une diminution de la fréquence des journées de froid extrême à mesure que le climat se réchauffe, l’exposition au froid, y compris les vagues de froid soudaines et les gelées tardives au printemps, pourrait encore se produire dans certaines régions. Les scientifiques ont établi que les bourdons entrent en coma hypothermique, un état temporaire de paralysie pendant lequel leurs muscles cessent de fonctionner, lorsque la température ambiante est comprise entre 3°C et 5°C. Le coma hypothermique est associé à divers problèmes. Par exemple, les bourdons sont incapables de voler dans cet état, ce qui les rend vulnérables aux prédateurs. De plus, en raison d’une défaillance neuromusculaire, ils perdent la fonction de leurs stigmates, les empêchant de respirer correctement.[2]

Timmins, en Ontario, est une « ville des abeilles » désignée.[3] Afin d’étudier les facteurs de stress climatiques potentiels dans cette région, nous avons utilisé la page de téléchargement de Donneesclimatiques.ca pour examiner le nombre de jours, de mai à août, entre 1950 et 2100, où la température minimale quotidienne était inférieure ou égale à 5°C. À ce seuil, les bourdons peuvent potentiellement entrer dans un coma hypothermique, ce qui réduit leur capacité à butiner et à prendre soin de la colonie pendant la période de pollinisation maximale. 

 

Figure 2 : Nombre projeté de jours par où la température minimale est inférieure ou égale à 5°C pendant la saison estivale (du 1er mai au 31 août) à Timmins, en Ontario, selon un scénario d’émissions modérées (SSP2-4.5) et un scénario d’émissions élevées (SSP5-8.5), de 1950 à 2100. 

 

Dans l’ensemble, on prévoit qu’un climat plus chaud entraînera une diminution du nombre de jours où la température est inférieure ou égale à 5°C pendant la saison estivale (du 1er mai au 31 août) à Timmins, en Ontario. La figure 2 montre que ces jours de «coma  hypothermique» pourraient diminuer jusqu’à seulement 2 par été selon un scénario d’émissions élevées (SSP5-8,5) et environ 4 par été selon un scénario d’émissions modérées (SSP2-4,5) d’ici 2100, soit environ 5 à 7 jours de moins que les valeurs observées historiquement. Bien que cette tendance réduise généralement le risque lié aux journées estivales froides pour les bourdons, elle reflète des moyennes à long terme ; des épisodes de froid extrême soudains sont toujours susceptibles de se produire et, même s’ils sont moins fréquents, ils demeurent un facteur de risque pour les bourdons.  

 

Agir 

De nombreuses mesures peuvent être prises pour soutenir la population d’abeilles au Canada. Par exemple : 

  • Éviter autant que possible l’utilisation des pesticides et des insecticides [4]
  • Envisagez de créer un jardin favorable aux pollinisateurs, en utilisant des plantes indigènes de la région offrant ainsi une source de nourriture aux abeilles. 
  • Créer des microclimats pour les abeilles en plantant et en entretenant des zones tampons, telles que des haies, afin de leur offrir un répit contre la chaleur extrême.[5]
  • Pour en savoir plus sur la préservation des populations de bourdons, consultez le manuel complet de Bee City Canada ici (en anglais seulement). Bee City Canada est une organisation qui travaille avec les communautés pour protéger les pollinisateurs.  

 

Conclusion

Les changements climatiques modifient les conditions dont dépendent les abeilles au Canada pour survivre et prospérer. La chaleur extrême peut menacer la survie du couvain, tandis que les températures plus fraîches peuvent limiter la recherche de nourriture pendant les périodes critiques de pollinisation. Ces facteurs de stress s’ajoutent aux pressions existantes liées aux pesticides, à la perte d’habitat et aux maladies, ce qui accroît encore les défis auxquels sont confrontées les populations d’abeilles sauvages et domestiques. Les outils disponibles sur Donneesclimatiques.ca peuvent être utilisés pour informer les évaluations de l’évolution future de ces facteurs de stress climatiques. En examinant les projections des températures extrêmes, les agriculteurs, les décideurs politiques, les chercheurs et les communautés peuvent mieux anticiper les risques et soutenir les stratégies d’adaptation qui contribuent à maintenir les populations d’abeilles, ainsi que les écosystèmes et les systèmes agricoles qui en dépendent.