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Sentiers récréatifs extérieurs et changements climatiques

Date 27 octobre 2025
Auteur Caitlin Lichimo
Sujets Données climatiques en action
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Introduction

Les sentiers sont plus que de simples chemins : ce sont des liens essentiels qui relient des communautés, soutiennent des économies locales grâce au tourisme axé sur la nature et offrent aux Canadiens des possibilités de loisirs sains et de renouveau spirituel. L’utilisation des sentiers a connu une forte augmentation ces dernières années, en particulier suite à la pandémie de COVID-19, lorsque l’accès à la nature est devenu un exutoire crucial pour les Canadiens[1].

Cependant, les changements climatiques menacent de plus en plus la praticabilité, la sécurité et la longévité des sentiers. Ceux qui utilisent beaucoup les sentiers du Canada ont été parmi les premiers à remarquer ces changements. Une récente enquête menée auprès des guides des Rocheuses canadiennes a révélé que presque tous ont observé des changements environnementaux dans leurs zones d’activité au cours de leur carrière, notamment des étés et des hivers plus chauds, des précipitations plus importantes en hiver et un manteau neigeux plus variable. [2]

Les infrastructures de montagne sont également menacées. Par exemple, le refuge historique Abbot Pass Hut, situé dans le parc national de Banff, a dû être définitivement fermé et démantelé en 2022 après que la fonte du pergélisol et l’érosion des pentes aient compromis ses fondations. [3]

Dans cet article, nous examinons l’impact des changements climatiques sur les sentiers de randonnée dans différentes régions du Canada et mettons en lumière comment les données de Donneesclimatiques.ca peuvent aider les responsables des parcs et les utilisateurs des sentiers à planifier.

Refuge Abbot Pass Hut à Banff, en Alberta

Infographie sur les loisirs d’été et les changements climatiques

Des festivals de musique à la pêche, en passant par la randonnée et les camps d’été, de nombreuses formes de loisirs au Canada sont déjà touchées par le réchauffement climatique. Les événements de ces dernières années, et en particulier ceux de l’été 2025, mettent en lumière comment la chaleur, les fortes précipitations, les feux de forêt et la transformation des écosystèmes modifient la façon dont les Canadiens vivent l’été. L’infographie ci-jointe illustre ces impacts dans différentes régions, en reliant les expériences vécues en matière de loisirs à des données et des tendances climatiques plus générales. 

 

 

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Réchauffement des températures et expérience des visiteurs dans les parcs

Les conditions météorologiques et le climat ont une forte influence sur les loisirs de plein air. Selon une enquête menée auprès des visiteurs des parcs provinciaux de l’Ontario, des températures agréables, un ensoleillement suffisant et l’absence de pluie et de vents élevés sont des facteurs clés qui déterminent la satisfaction des visiteurs. En fait, ces visiteurs ont identifié les étendues de températures agréables pour les loisirs estivaux décrites dans le tableau 1.Tableau 1. Préférences des visiteurs en matière de température dans deux parcs provinciaux de l’Ontario (adapté de Hewer et al., 2014). 

Moment de la journéeTempérature idéale moyenneÉtendue idéaleTrop fraisTrop chaud
Jour (juillet-août)27,4 °C24–31 °C15,6 °C34,8 °C
Nuit (juillet-août)19,7 °C17–23 °C8,7 °C28,7 °C

Sur la base de cette enquête, les auteurs de l’étude ont conclu que la fréquentation des parcs en Ontario pourrait augmenter de 15 à 56 % d’ici les années 2050 en raison du réchauffement climatique et de son impact sur la durée de la saison de randonnée [4]. Cependant, l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des journées de chaleur excessive (journées où la température dépasse environ 35 °C) pourrait avoir l’effet inverse à long terme et déplacer la fréquentation des parcs vers d’autres saisons.

Les données de Donneesclimatiques.ca peuvent être utilisées pour explorer les changements projetés en matière de chaleur extrême selon différents scénarios d’émissions. Par exemple, Toronto connaît historiquement moins d’une journée dépassant 35 °C par an[5] (cliquez ici pour trouver les normales climatiques de votre communauté). Dans un scénario à émissions élevées (SSP5-8.5), Toronto pourrait connaître en moyenne 24 de ces journées très chaudes d’ici 2071-2100 (figure 1).

Figure 1 : Nombre projeté de jours avec une température maximale supérieure à 35°C pour Toronto, en Ontario, dans un scénario d’émissions modérées (SSP2-4.5; bleu) et un scénario d’émissions très élevées (SSP5-8.5; rouge) de 1950 à 2100 (le gris délimite la période historique modélisée).

Fumée des feux de forêt et fermeture de sentiers dans l’Ouest canadien

Au cours des derniers étés, les feux de forêt alimentés par la chaleur et la sécheresse ont entraîné la fermeture généralisée de sentiers et des phénomènes climatiques, en particulier dans l’ouest du Canada.

La Colombie-Britannique n’est pas étrangère aux feux de forêt causés par le climat. À la fin du mois de juin 2021, un dôme de chaleur record a battu les records de température au Canada, préparant le terrain pour les feux de forêt. Des dizaines de sentiers populaires ont été fermés cet été-là en raison des feux de forêt, du mont Robson dans les Rocheuses aux parcs côtiers autour de Whistler, Pemberton et Tofino.

Les randonneurs et les cyclistes des Kootenays n’ont pas pu pratiquer leurs activités de plein air en août, lorsque d’épaisses fumées ont envahi les sentiers, obscurcissant la vue et créant des conditions malsaines.

 « On dirait que chaque été, dès la deuxième semaine d’août, on ne voit plus rien, on respire de la fumée… Cela pose toutes sortes de problèmes… pour la randonnée en pleine nature, car la saison est déjà courte, et une grande partie de celle-ci est gâchée par la mauvaise qualité de l’air. » – Stewart Spooner, responsable de l’exploitation des sentiers, Kootenay Columbia Trails Society (entretien de 2024).

En 2023, plus de 15 millions d’hectares de terres ont brûlé au Canada, soit plus de sept fois la superficie moyenne annuelle brûlée au cours des dernières décennies. Cette activité incendiaire record a eu des répercussions considérables sur la qualité de l’air. Au moment de la rédaction du présent rapport, 2025 s’annonce comme la deuxième pire saison des feux jamais enregistrée au Canada en termes de superficie brûlée. En 2025, plusieurs zones de loisirs ont été contraintes de fermer ou ont été endommagées au Manitoba, notamment le sentier Mantario.

Grâce à l’application Indice Forêt-Météo sur Donneesclimatiques.ca, les planificateurs de sentiers et les responsables des mesures d’urgence peuvent consulter les projections de paramètres tels que la durée de la saison des feux ou l’indice d’accumulation (ICD) pour leur région spécifique. Par exemple, l’application indique que la durée de la saison des feux devrait augmenter dans tout le pays (figure 2). Les projections relatives à la durée de la saison des feux n’estiment pas le nombre, la taille ou l’intensité des feux de forêt. Cependant, l’allongement de la saison des feux, ainsi que les projections qui montrent une augmentation de la sévérité des conditions météorologiques propices aux feux de forêt, indiquent que le danger d’incendie au Canada devrait augmenter dans un climat en réchauffement. Une saison des feux plus longue entraîne généralement une probabilité accrue d’épisodes de mauvaise qualité de l’air.

Figure 2 : Cette carte montre le changement absolu d’ici 2041-2070 par rapport à 1971-2000 dans la durée de la saison des feux selon le scénario d’émissions RCP8.5. La durée de la saison des feux représente le nombre annuel de jours pendant la saison des feux (jours avec un danger d’incendie mesurable). La saison des feux commence après trois jours consécutifs où les températures maximales diurnes sont supérieures à 12 °C. Elle se termine après trois jours consécutifs où les températures maximales diurnes restent inférieures à 5 °C. L’application interactive sur la météo des feux de forêt permet aux utilisateurs de survoler la carte pour obtenir des valeurs spécifiques, ainsi que de modifier la période, le scénario d’émissions, etc. 

 

Pluies extrêmes, tempêtes côtières et dommages aux sentiers côtiers

À mesure que le climat se réchauffe, le risque de tempêtes plus importantes et plus puissantes augmente également. Dans le Canada atlantique, on craint que le réchauffement de la température de surface de la mer n’entraîne des ouragans plus puissants. Ces phénomènes climatiques, combinés à l’élévation du niveau de la mer, peuvent présenter des risques supplémentaires pour les sentiers de loisirs en plein air.

Un exemple récent est l’ouragan Fiona, qui a frappé l’est du Canada en septembre 2022 sous la forme d’un puissant cyclone post-tropical, provoquant des précipitations et des ondes de tempête record. Certaines parties de la Nouvelle-Écosse, de l’Île-du-Prince-Édouard, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve ont enregistré entre 50 et 200 mm de pluie en 24 heures, provoquant des inondations sévères. Le long de la côte, des ondes de tempête de plus de 3 m de hauteur ont frappé le littoral. Certaines sections de la Cabot Trail au Cap-Breton ont été emportées ou ensevelies par des glissements de terrain, plusieurs parcs et terrains de camping ont dû fermer et les sentiers côtiers ont subi une érosion importante des plages et des sols. Les gouvernements ont dû investir des dizaines de millions de dollars pour reconstruire les routes, les ponts et les sections de sentiers endommagés. Par exemple, plus de 40 millions de dollars ont été alloués à la réparation des infrastructures du parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton et des zones environnantes.[6] Un sentier côtier emblématique, le sentier du phare de Louisbourg, a nécessité environ 158 000 dollars de réparations et de rénovations d’urgence financées par la province. [7]

L’ouragan Fiona a mis en évidence la façon dont les phénomènes climatiques extrêmes combinés peuvent submerger les réseaux de sentiers : fortes précipitations associées à l’élévation du niveau de la mer et à des vents forts peuvent entraîner des inondations destructrices. On s’attend à ce que les changements climatiques rendent ces événements plus fréquents. Le réchauffement des températures de l’océan et de l’air entraîne déjà des ouragans plus pluvieux et plus venteux, et les tempêtes se déplacent plus au nord qu’auparavant.[8],[9] Les projections futures indiquent que ces tendances se poursuivront, ce qui signifie que le Canada atlantique doit se préparer à des tempêtes plus fréquentes et plus élevées (voir encadré 2).

Encadré 2 : Qu’est-ce qui provoque  des ouragans plus puissants ?

Les ouragans sont alimentés par les eaux chaudes de l’océan. Les changements climatiques ont entraîné une augmentation de la température de surface de la mer dans l’Atlantique, ce qui signifie plus d’énergie et d’humidité pour les tempêtes. La hausse des températures permet également aux tempêtes de contenir plus de vapeur d’eau (environ 7 % de pluie en plus par 1 °C de réchauffement en général). De plus, certaines études suggèrent que les ouragans se déplacent plus lentement et atteignent des régions plus septentrionales à mesure que le climat se réchauffe. La combinaison de ces facteurs entraîne des ouragans plus pluvieux, plus longs, et atteignant des régions (comme le Canada atlantique) qui n’étaient pas habituées à de tels extrêmes dans le passé. Lisez l’article complet sur les changements climatiques et les ouragans dans le Canada atlantique ici : Ouragans et changements climatiques dans le Canada atlantique — Donneesclimatiques.ca.

Donneesclimatiques.ca propose des outils permettant d’explorer les projections locales relatives au changement relatif du niveau de la mer pour les communautés côtières et les indices de fortes précipitations. Les cartes du changement relatif du niveau de la mer peuvent mettre en évidence les segments de sentiers ou les routes d’accès de faible altitude qui sont susceptibles de se trouver sous le niveau de la marée haute dans quelques décennies. De même, les projections des « jours humides » (c’est-à-dire les jours avec plus de 20 mm de pluie) peuvent alerter les gestionnaires de parcs sur la probabilité de pluies torrentielles plus fréquentes dans les décennies à venir.

Adapter les sentiers à un climat en changement

Ces données et informations climatiques montrent clairement que les changements climatiques menacent de modifier les conditions pour lesquelles les sentiers ont été initialement conçus. La hausse des températures, l’allongement de la saison des feux, l’augmentation des précipitations et les tempêtes côtières créent toutes des pressions auxquelles les gestionnaires de sentiers doivent faire face. Bien qu’il n’existe pas de solution unique applicable partout, plusieurs approches générales se dessinent [10], notamment

  • Renforcement des infrastructures : Les sentiers et les installations peuvent être renforcés ou déplacés pour résister aux phénomènes climatiques. Il s’agit par exemple de détourner les sentiers alpins des zones de pergélisol instables, de surélever les ponts dans les zones inondables ou de créer des coupe-feux pour réduire le risque de feu de forêt. Ces investissements peuvent éviter des coûts élevés d’entretien, de réparation et des problèmes de santé et de sécurité.
  • L’ajustement des opérations et des saisons : Les calendriers des sentiers changent en fonction des nouvelles conditions climatiques. Par exemple, les ascensions alpines sont programmées plus tôt dans la journée et les gestionnaires des sentiers s’adaptent à des saisons intermédiaires beaucoup plus fréquentées, les visiteurs modifiant leurs horaires pour éviter la chaleur estivale. Les projections des journées chaudes ou de la météo des feux de forêt dans le futur aident les gestionnaires à comprendre comment les conditions peuvent changer afin qu’ils puissent ajuster leurs opérations.
  • Solutions fondées sur la nature : La restauration des zones humides, des dunes ou des forêts peut protéger les sentiers contre les fortes pluies, les ondes de tempête et l’érosion, tout en améliorant la biodiversité. Par exemple, dans le cadre des projets de « littoral vivant » en Nouvelle-Écosse ont permis de protéger avec succès les sentiers côtiers[11].
  • Changements politiques et culturels : Tous les sentiers ne peuvent pas être entretenus indéfiniment. Parfois, le choix durable consiste à limiter l’accès afin de protéger les écosystèmes ou les valeurs culturelles. Le leadership autochtone est essentiel pour identifier les zones où les loisirs doivent s’adapter aux priorités en matière de gestion des terres, d’autant plus que ces priorités évoluent avec le climat en changement.

Conclusion

Les sentiers relient les gens à la nature et favorisent le bien-être physique, mental et communautaire. Cependant, comme nous l’avons souligné, les changements climatiques posent des défis multiples pour l’avenir des sentiers de plein air. La chaleur extrême, les feux de forêt et la fumée, les tempêtes, l’érosion côtière et d’autres perturbations liées au climat ont déjà un impact sur la manière et le moment où nous pouvons utiliser les sentiers, ainsi que sur le coût et les efforts nécessaires pour les maintenir sécuritaires. Ces impacts devraient s’intensifier au cours des décennies à venir. La communauté des sentiers, des agences gouvernementales aux bénévoles sur le terrain, relève le défi en combinant les connaissances traditionnelles et les projections climatiques modernes afin de tracer une voie durable pour l’avenir.

Références

[1] Sentier TransCanadien. (2025). L’IMPACT des sentiers. Consulté le 3 octobre à l’adresse: Sentier Transcanadien | L’IMPACT des sentiers

[2] Rushton, B., & Rutty, M. (2023). Gaining insight from the most challenging expedition: climate change from the perspective of Canadian mountain guides. Current Issues in Tourism26(23), 3903–3915. https://doi.org/10.1080/13683500.2023.2185506

[3] Hik, D., Robinson, Z., and Slemon, S. (2022). The Abbot Pass hut, an iconic mountain refuge, is dismantled — due to climate change. Canadian Geographic.

[4] Jones, B. & Scott, Daniel. (2006). Climate Change, Seasonality and Visitation to Canada’s National Parks. Journal of Parks and Recreation Administration. 24. 42-62.

[5] Gouvernement du Canada. (2025). Données sur les normales climatiques canadiennes 1991-2020. Consulté le 3 octobre sur : Normales climatiques canadiennes – Climat – Environnement et Changement climatique Canada

[6] Gouvernement du Canada. (2023). Le gouvernement du Canada annonce un investissement de 43 millions de dollars dans des lieux gérés par Parcs Canada au cap Breton/territoire Unama’ki pour l’amélioration de l’infrastructure. Consulté le 3 octobre à l’adresse: Le gouvernement du Canada annonce un investissement de 43 millions de dollars dans des lieux gérés par Parcs Canada au cap Breton/territoire Unama’ki pour l’amélioration de l’infrastructure – Canada.ca.

[7] Government of Nova Scotia. (2023). Funding for Trail Restoration in Cape Breton. [8] Madge, C., & Smith, R. (2024). Ouragans et changements climatiques dans le Canada atlantique. Donneesclimatiques.ca. Consulté le 3 octobre à l’adresse : Ouragans et changements climatiques dans le Canada atlantique – Donneesclimatiques.ca.

[9] Morris, M. (2025). Changements climatiques et vents forts. Donneesclimatiques.ca. Consulté le 3 octobre à l’adresse : Changements climatiques et vents forts – Donneesclimatiques.ca

 [10] Pröbstl-Haider, U., Hödl, C., Ginner, K., & Borgwardt, F. (2021). Climate change: Impacts on outdoor activities in the summer and shoulder seasons. Journal of Outdoor Recreation and Tourism34, 100344.

[11] Le Canada dans un climat en changement. (s.d.). Le rivage vivant de la ville de Mahone Bay. Consulté le 3 octobre sur : Le rivage vivant de la ville de Mahone Bay — Le Canada dans un climat en changement