Les ouragans et les changements climatiques au Canada atlantique

Introduction

L’augmentation des températures mondiales s’accompagne d’un risque d’ouragans plus intenses au Canada atlantique. Cet article met en lumière le mécanisme qui sous-tend les ouragans, les effets observables des changements climatiques sur ces puissantes tempêtes et les implications spécifiques pour le Canada atlantique fondées sur des recherches et des projections climatiques récentes.

Que sont les ouragans et comment se forment-ils ?

Les ouragans sont des systèmes de tempête qui prennent naissance au-dessus des océans tropicaux chauds et se caractérisent par des vents intenses, de fortes pluies et des orages. Ces systèmes se forment dans des conditions spécifiques : notamment des températures chaudes à la surface de la mer[1] , des changements minimes de la direction et de la vitesse du vent en fonction de l’altitude (également connu sous le nom de cisaillement vertical du vent), une humidité atmosphérique suffisante[2], et à une latitude où la force de Coriolis est suffisante pour assurer la rotation du  système (Encadré 1).

Encadré 1 : La force de Coriolis, issue de la rotation de la Terre, est essentielle pour le développement des ouragans, car c’est elle qui donne à la tempête sa rotation. Cette force est négligeable à l’équateur, ce qui explique que les ouragans ne se forment qu’à 500 km au nord ou au sud de l’équateur et qu’ils ne traversent jamais l’équateur.

L’énergie nécessaire à la formation d’un ouragan provient de la chaleur libérée lors de la condensation de la vapeur d’eau. Fait important, c’est la raison pour laquelle les ouragans perdent leur énergie lorsqu’ils touchent terre : dès que la source d’humidité de la tempête disparaît, l’énergie qui l’anime se dissipe.

Comment les changements climatiques affecteront-ils les ouragans dans le Canada atlantique ?

On s’attend à ce que les changements climatiques exacerbent les risques existants liés aux ouragans.[3],[4] Il est prouvé que les changements climatiques ont déjà donné lieu à des ouragans plus pluvieux et plus venteux.  En outre, il semble que les ouragans se déplacent plus lentement et plus au nord.[5] Les modèles climatiques prévoient qu’il est probable que ces tendances se poursuivront.

Parmi les impacts spécifiques qui nous préoccupent pour l’avenir, citons les suivants :

  1. Augmentation des dommages en raison de l’élévation du niveau de la mer : L’élévation du niveau de la mer, combinée à des ouragans plus intenses, augmentera les dommages causés par les ondes de tempête et les inondations côtières, entraînant une intensification  des destructions le long des côtes.
  2. Augmentation des précipitations : Les ouragans alimentés par de l’air plus chaud ont une capacité accrue de rétention d’humidité. Cela signifie qu’ils apportent plus de pluie et des événements pluvieux plus intenses, ce qui donne lieu à une augmentation des inondations fluviales  touchant les zones situées le long de la côte et plus loin à l’intérieur des terres.
  3. Augmentation de la gravité des ouragans : Les vents des ouragans sont de plus en plus forts et la vitesse à laquelle ces tempêtes s’intensifient augmente.[2] En outre, une plus grande proportion de ces tempêtes deviennent des ouragans majeurs (catégories 3 à 5).[6]

 

Ces changements dans l’intensité des ouragans sont principalement provoqués par l’augmentation des températures de surface de la mer. Des eaux plus chaudes augmentent non seulement l’intensité des ouragans, mais renforcent également leur capacité à retenir l’humidité, ce qui mène à des pluies plus abondantes lors de ces événements. Lorsqu’un ouragan passe au-dessus d’eaux très chaudes, la tempête peut rapidement prendre de l’ampleur. Les scientifiques parlent d’ « intensification rapide ». Sur une période de quelques heures seulement, une tempête peut passer d’une préoccupation relativement mineure à une situation potentiellement mortelle.[7]

Impacts sur le Canada atlantique

Les ouragans dans le Canada atlantique posent des risques économiques, environnementaux et sanitaires pour les communautés et leurs habitants. Les impacts observés des ouragans qui ont déjà touché terre dans le Canada atlantique sont les suivants :

  • Vents violents : Des ouragans comme Juan (2003) et Dorian (2019) ont apporté des vents dévastateurs qui ont coupé l’électricité pour des centaines de milliers de résidents de l’Atlantique, endommagé des bâtiments et provoqué d’importantes chutes d’arbres. Les vents violents de l’ouragan Juan, par exemple, ont atteint jusqu’à 178 km/h, causant des destructions à Halifax et dans les régions avoisinantes.[8]
  • Pluies diluviennes : En 2022, l’ouragan Fiona a provoqué des précipitations record, entre 50 et 200 mm dans certaines parties du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de l’Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve, entraînant d’importantes inondations.[9],[10] Ces inondations ont endommagé des maisons, submergé les systèmes de drainage des eaux et perturbé les transports dans une grande partie de la province.
  • Ondes de tempête et vagues : L’ouragan Fiona a également provoqué des ondes de tempête de plus de trois mètres dans certaines zones côtières. À Port aux Basques, la hauteur maximale des vagues, combinée à l’onde de tempête, a atteint près de 17 mètres.[11] Cette onde a mené à l’inondation de communautés, la destruction d’infrastructures côtières et une érosion importante des plages et des sols.[12], [13]

Aperçu des ouragans dans l’Atlantique en 2024

En citant les prévisions pour 2024 d’Environnement et Changement climatique Canada, l’Atlantique Nord connaît des températures de la mer plus élevées que la moyenne. Il est prévu que celles-ci contribueront à une saison active des ouragans avec une probabilité accrue d’ouragans majeurs[14]. En outre, les températures chaudes de l’océan s’accompagneront d’une transition rapide des conditions El Niño à La Niña, qui sont propices à l’activité des ouragans dans l’Atlantique en raison de la réduction du cisaillement du vent[15].

Adaptation et préparation

En réponse à ces défis, une vaste approche est mise en œuvre pour adapter la planification urbaine et l’aménagement du territoire ainsi que la gestion des urgences aux réalités d’un climat en changement. Parmi les actions, on peut citer la mise à jour des infrastructures et des réglementations en matière de construction pour faire face à des niveaux de risque d’inondation plus élevé et à des événements météorologiques extrêmes.

La carte des actions en adaptation, un outil d’étude de cas sur l’adaptation disponible sur le site changingclimate.ca, présente de nombreux exemples de communautés prenant des mesures pour atténuer les risques associés à la montée des eaux et aux ondes de tempête plus puissantes provoquées par les ouragans.

Par exemple, l’étude de cas intitulée, Utiliser les renseignements climatiques pour favoriser l’adaptation au climat : S’adapter aux inondations et aux ondes de tempête explique comment Saint John, au Nouveau-Brunswick, a établi un partenariat avec le Programme d’action pour le littoral atlantique (PALA) pour élaborer un plan d’adaptation au changement climatique en 2020. Le plan comprend de nombreux exemples de la façon dont cette communauté se prépare aux futurs risques d’inondation, notamment en utilisant de nouvelles données et de nouveaux outils pour identifier les endroits les plus exposés aux inondations et à l’érosion.

La mise en œuvre de solutions fondées sur la nature, c’est-à-dire de mesures d’adaptation qui utilisent les processus naturels, est une approche que les collectivités peuvent adopter pour se préparer à un climat en changement. À titre de référence, voir des  exemples de mesures d’adaptation mises en œuvre au Canada atlantique pour se préparer à l’augmentation prévue de l’activité des ouragans et des risques associés, dans les études de cas intitulées, Le rivage vivant de la ville de Mahone Bay et Projet de restauration de dunes à Carters Beach sur la carte des actions en matière d’adaptation.  Ces mesures soulignent la nécessité de se préparer à des ouragans plus intenses et potentiellement plus fréquents alors que les températures de surface de la mer continuent d’augmenter.

Conclusion

À mesure que le climat continue de se réchauffer, il est attendu que les ouragans deviennent plus puissants. Il est essentiel de comprendre ces systèmes pour élaborer des stratégies de réponse et d’adaptation efficaces. En intégrant la recherche scientifique à des mesures proactives en matière de politiques, le Canada peut améliorer sa résilience face à la menace croissante des ouragans dans un monde en réchauffement.

[1] Des études indiquent qu’une température de l’eau d’au moins 26,5 degrés Celsius sur une profondeur de 50 mètres est nécessaire pour alimenter un ouragan (https://oceanservice.noaa.gov)

[2] https://oceanservice.noaa.gov/facts/how-hurricanes-form.html

[3] Mendez-Tejeda R, Hernandez-Ayala JJ (2023) Links between climate change and hurricanes in the North Atlantic. PLOS Clim 2(4). https://doi.org/10.1371/journal.pclm.0000186

[4] Patricola, C. M., Hansen, G. E., & Sena, A. C. T. (2024). The influence of climate variability and future climate change on Atlantic hurricane season length. Geophysical Research Letters, 51.

[5]Seneviratne, S.I., X. Zhang, M. Adnan, W. Badi, C. Dereczynski, A. Di Luca, S. Ghosh, I. Iskandar, J. Kossin, S. Lewis, F. Otto, I. Pinto, M. Satoh, S.M. Vicente-Serrano, M. Wehner, and B. Zhou, 2021: Weather and Climate Extreme Events in a Changing Climate. In Climate Change 2021: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Masson-Delmotte, V., P. Zhai, A. Pirani, S.L. Connors, C. Pean, S. Berger, N. Caud, Y. Chen, L. Goldfarb, M.I. Gomis, M. Huang, K. Leitzell, E. Lonnoy, J.B.R. Matthews, T.K. Maycock, T. Waterfield, O. Yelekci, R. Yu, and B. Zhou (eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, UK and New York, NY, USA, pp. 1513–1766, doi: 10.1017/9781009157896.013.

[6] Il est important de noter que si la proportion d’ouragans majeurs augmente, le nombre total de tempêtes pourrait ne pas changer, même diminuer à certains endroits. Cela signifie que nous ne verrons peut-être pas plus d’ouragans de catégorie 3-5 au total, mais qu’un pourcentage plus élevé des tempêtes qui se forment pourraient être plus fortes. Il est important de reconnaître les limites de notre compréhension actuelle de la formation des ouragans et de la manière dont les changements climatiques sont susceptibles d’influencer leur formation et leur intensification.

[7] Li, L., Li, Y., & Tang, Y. (2024). On the duration of tropical cyclone rapid intensification. Geophysical Research Letters, 51, e2024GL108578. https://doi.org/10.1029/2024GL108578

[8] https://www.cbc.ca/news/canada/nova-scotia/looking-back-at-hurricane-juan-20-years-after-deadly-storm-hit-nova-scotia-1.6981082

[9] https://www.cbc.ca/news/canada/nova-scotia/weather-snoddon-fiona-recap-1.6976249

[10] https://www.ctvnews.ca/climate-and-environment/data-shows-fiona-s-impact-across-atlantic-canada-as-all-time-records-broken-1.6084819

[11] https://www.cbc.ca/news/canada/nova-scotia/weather-snoddon-fiona-recap-1.6976249

[12] National Hurricane Center Tropical Cyclone Report: Hurricane Fiona 14-23 september 2022 (pdf)

[13] https://www.ibc.ca/news-insights/news/hurricane-fiona-causes-660-million-in-insured-damage

[14] https://www.canada.ca/en/environment-climate-change/news/2024/05/environment-and-climate-change-canadas-canadian-hurricane-centre-expects-a-very-active-hurricane-season.html

[15] https://www.noaa.gov/news-release/noaa-predicts-above-normal-2024-atlantic-hurricane-season