Les données climatiques en action: Patinoires extérieures au Canada

Comment utiliser Donneesclimatiques.ca pour étudier les impacts des changements climatiques sur les patinoires extérieures au Canada

Publié à l’origine le 2 février 2024. Révisé le 27 février 2024.

L’amour du patinage extérieur au Canada date de longtemps. Depuis ses racines historiques remontant à des centaines d’années jusqu’à aujourd’hui, le patinage sur glace demeure un passe-temps apprécié des gens de tous âges. Le patinage extérieur fait partie de la culture et de l’identité du Canada. Des joueurs de hockey célèbres comme Gordie Howe, Maurice Richard, Sidney Crosby et Wayne Gretzky ont tous aiguisé leurs talents de patineurs sur des étangs gelés et des patinoires d’arrière-cour au Canada.

Le patinage extérieur n’est pas un sport comme les autres, il procure un sentiment d’appartenance à la communauté. La patinoire sert souvent de lieu de rencontres et d’événements sociaux. Les patinoires extérieures offrent souvent un accès gratuit et attirent des personnes de tous âges, de tous revenus et de toutes identités sexuelles. Une étude de l’Université de Guelph a montré que la présence de patinoires extérieures dans une ville peut améliorer la vie sociale de celle-ci, en créant un cadre détendu et amusant où les gens peuvent se rencontrer (Horgan et al., 2020). En outre, le patinage donne aux enfants qui n’ont pas les moyens de prendre des leçons de hockey ou de patinage l’occasion d’essayer quelque chose de nouveau.

Quel est l'impact des changements climatiques sur les patinoires extérieures?

L’évolution du climat au Canada s’est traduite par des hivers plus chauds, ce qui a eu des répercussions sur les saisons de patinage extérieur dans l’ensemble du pays. Les patinoires extérieures naturelles (c’est-à-dire les patinoires non réfrigérées) nécessitent avant tout des températures constantes inférieures au point de congélation. Cependant, les changements climatiques se traduisent par des températures plus chaudes au Canada, ce qui ne nous permet plus d’assumer que nos hivers sont caractérisés par des températures constamment inférieures au point de congélation. Les températures plus élevées peuvent entraîner d’autres changements climatiques, notamment la pluie, qui peut dégrader la glace. À cela s’ajoutent les risques existants liés à des phénomènes comme El Niño, qui ont généralement un impact majeur sur le début et la fin de la saison de patinage.

Le climat du Canada se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne mondiale (Zhang et al., 2019). De plus, les températures hivernales au Canada sont celles qui se sont le plus réchauffées, avec une augmentation de 3,4 °C au cours des 75 dernières années (de 1948-2023) (Environnement et Changement climatique Canada, 2023). Les conditions météorologiques hivernales sont également plus variables : les périodes chaudes sont plus fréquentes et plus longues, et la couverture de glace a changé dans l’ensemble du pays. Des études ont montré que les petits lacs du sud du Québec, de l’Ontario, du Manitoba et de la Saskatchewan dégèlent plus tôt et gèlent plus tard (Brown et Duguay, 2010), et que la glace des rivières se brise plus tôt partout au Canada de 1950 à 2016 (Chen et She, 2020).

Comme preuve potentielle de cette tendance, le canal Rideau à Ottawa a connu une baisse moyenne de sa saison de patinage extérieur d’environ 6,8 jours par décennie entre 1971 et 2024 (Figure 1). La plus longue saison de patinage sur le canal Rideau a eu lieu durant l’hiver 1971-1972 (Commission de la capitale nationale, s.d.), avec 91 jours de patinage. En comparaison, au cours des dix dernières années, le canal Rideau a connu une saison de patinage extérieur moyenne de 37 jours par année, ce qui représente une réduction de plus de 50 % depuis le début des années 1970. En 2022-2023, pour la première fois de son histoire, le canal n’a pas été ouvert une seule fois pour le patinage. Cette année, le canal a été ouvert sporadiquement, pendant 10 jours au total.

Figure 1 : Nombre de jours d’ouverture de la patinoire du canal Rideau (1971 à 2024). Source : Commission de la capitale nationale, s.d. Note : Les données pour 2024 ne sont pas officielles (voir Ottawa Citizen, 2024).

Des hivers plus chauds : Regard sur 2023-2024

Cet hiver (2023-2024), un El Niño dans l’océan Pacifique tropical entraîne des températures plus chaudes que la normale sur une grande partie de la planète, y compris au Canada. Pendant ce type d’événement, le Canada connaît souvent des hivers plus chauds que d’habitude. Les prévisions saisonnières d’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) montrent en effet qu’au cours de cet hiver (de janvier à mars 2024), les températures moyennes quotidiennes devraient continuer à être plus chaudes que la moyenne dans l’ensemble du pays (Figure 2). Par exemple, Toronto, Calgary et Montréal ont au moins 55 % de chances de connaître des températures supérieures à la normale en janvier, février et mars par rapport à la normale climatique de 1991-2020, ce qui raccourcira probablement la saison de patinage extérieur dans ces trois villes. Les régions proches de l’océan Pacifique, de la partie inférieure du lac Supérieur, de l’océan Atlantique et de la baie d’Hudson ont au moins 90 % de chances de connaître des températures supérieures à la moyenne cet hiver.

Les scientifiques d’ECCC améliorent en permanence le système de prévisions saisonnières et travaillent sur le développement d’une suite élargie de produits de prévision plus faciles à comprendre pour les utilisateurs.. Dans les années à venir, d’autres produits de prévision permettront de répondre à des questions telles que « quel est le réchauffement prévu pour cet hiver? ». En attendant, nous vous invitons à consulter les prévisions probabilistes saisonnières disponibles sur le site web d‘ECCC. Pour plus d’informations sur l’interprétation des prévisions probabilistes saisonnières, consultez le Guide d’utilisation des prévisions saisonnières d’ECCC.

 

Figure 2 : Prévisions saisonnières d’Environnement et Changement climatique Canada pour cette saison hivernale (janvier, février et mars 2024). La carte illustre la probabilité que des régions du Canada connaissent des températures inférieures (bleu), proches de la normale (violet-rose) et supérieures à la normale (jaune à rouge) par rapport à la moyenne hivernale 1991-2020.

Projections climatiques futures :

La préoccupation pour l’avenir est de savoir comment les changements climatiques affecteront davantage les futures saisons de patinage au Canada. En utilisant les projections climatiques futures trouvées sur Donneesclimatiques.ca, nous avons étudié ce à quoi la saison de patinage pourrait ressembler d’ici la fin du siècle à Toronto, Calgary et Montréal.

Lors de l’évaluation des impacts du changement climatique à l’aide de données climatiques futures, il peut être difficile de déterminer le seuil le plus approprié à utiliser (par exemple, des températures supérieures ou inférieures à une valeur spécifique). Dans ce cas, la détermination du seuil approprié nécessite de revoir la recherche existante sur les conditions météorologiques nécessaires à la construction et à l’entretien des patinoires. . Par exemple, dans une étude sur les effets des changements climatiques sur le patinage extérieur, les auteurs ont utilisé une estimation de trois jours consécutifs où la température maximale était égale ou inférieure à -5 °C pour prédire au mieux le début de la saison de patinage (Damyanov et al., 2012). Ce seuil a été déterminé sur la base d’entretiens avec des exploitants de patinoires dans tout le Canada. Dans une autre étude sur le patinage extérieur, les auteurs ont utilisé un ensemble de données contenant les jours d’ouverture des patinoires pour déterminer qu’une température maximale de moins de -3°C sur 6 jours était le meilleur prédicteur de la disponibilité du patinage en plein air à Montréal (Dickau et al., 2020). Enfin, en se concentrant sur la viabilité à long terme du patinage en Amérique du Nord, une troisième étude menée par McLeman et al. (2023) a déterminé que « la façon la plus simple d’identifier les endroits où les Nord-Américains sont susceptibles de construire des patinoires extérieures sur une base régulière dans les décennies à venir est de cartographier les changements dans l’emplacement de l’isotherme correspondant aux températures quotidiennes moyennes de -5°C pour le mois de janvier ».

Compte tenu de ces différentes approches et seuils, et à des fins de démonstration dans le contexte de cet article de blog, nous avons choisi d’utiliser les périodes de trois jours consécutifs avec une température moyenne inférieure à -5°C dans notre analyse. À des fins de planification de l’adaptation, une interprétation supplémentaire peut être nécessaire pour sélectionner ou ajuster le seuil aux circonstances spécifiques de l’évaluation.

Il est à noter que la page « Analyser » de Donneesclimatiques.ca permet présentement aux utilisateurs d’extraire des données en utilisant des seuils personnalisés pour les températures « moyennes », mais pas pour les températures « maximales ».

 

Pour les utilisateurs intéressés par des analyses utilisant la température maximale, avant l’ajout de cette fonctionnalité sur la page « Analyser », nous suggérons d’utiliser PAVICS, un outil de données climatiques géré par Ouranos pour les chercheurs et les scientifiques du climat (note : PAVICS nécessite des capacités de programmation) ou de contacter le Centre d’aide des Services climatiques.

1. Toronto

D’ici la fin du siècle, Toronto pourrait ne plus connaître de jours de vague de froid, du moins dans le cadre du scénario d’émissions le plus élevé, également connu sous le nom de « SSP5-8.5 » (pour en savoir plus sur ces scénarios, lisez notre article sur la zone d’apprentissage). Ce scénario, représenté par la ligne rouge sur les graphiques ci-dessous, décrit un monde où les températures mondiales pourraient dépasser de 5 °C la moyenne de l’ère préindustrielle d’ici la fin du siècle. Dans le cadre d’un scénario d’émissions beaucoup plus faibles (également connu sous le nom de SSP1-2.6), indiqué par la ligne jaune sur les graphiques ci-dessous, Toronto pourrait connaître 15 jours de vague de froid par an, soit une réduction de 50 % par rapport à ce que Toronto connaît aujourd’hui.

Pour mieux illustrer l’ampleur des changements climatiques prévus pour Toronto, nous avons utilisé l’outil d’analogues spatiaux de Donneesclimatiques.ca qui identifie les lieux actuels en Amérique du Nord qui partagent des caractéristiques climatiques similaires à celles des projections climatiques futures d’une ville cible. En sélectionnant le scénario d’émissions le plus élevé (SSP5-8.5), la période de la fin du siècle (2071-2100) et les variables « degrés-jours de chauffage » et « jours de glace », l’outil a montré que les hivers de Toronto pourraient ressembler aux caractéristiques de l’actuelle Albuquerque, au Nouveau-Mexique. À titre de référence, Albuquerque a une température maximale moyenne en hiver (décembre, janvier, février) de 8,3 °C (sur la base de la normale climatique 1991-2020), soit 7,4 °C de plus que la normale 1991-2010 de Toronto. Pour en savoir plus sur les normales climatiques et pour explorer les normales climatiques de votre propre collectivité, visitez la page des normales climatiques canadiennes d’Environnement et Changement climatique Canada.

2. Calgary

La situation est similaire pour Calgary. Dans le scénario d’émissions le plus élevé (ligne rouge), Calgary pourrait connaître environ 20 jours de vague de froid par an, soit une réduction de 40 jours par rapport au passé récent. Dans le scénario d’émissions le plus bas, Calgary pourrait connaître environ 50 jours de vague de froid par an.

Selon l’outil « analogues spatiaux », en utilisant la même période, le même scénario d’émissions et les mêmes variables que dans l’exemple de Toronto, les changements climatiques pourraient faire en sorte que les hivers de Calgary ressemblent davantage aux hivers actuels de Billings, dans le Montana. Billings a une température maximale hivernale normale qui est d’environ 4 °C plus chaude que la normale climatique hivernale de Calgary pour la période 1981-2010.

3. Montréal

Montréal pourrait être confrontée à des défis similaires à mesure que le climat se réchauffe. Dans le scénario à fortes émissions, Montréal pourrait connaître une moyenne de trois jours de vague de froid par an d’ici la fin du siècle, soit une réduction de 57 jours par rapport à aujourd’hui. Dans le scénario à plus faibles émissions, Montréal pourrait connaître environ 40 jours de vague de froid par an d’ici 2100, soit une réduction de 20 jours par rapport à aujourd’hui.

Selon l’outil « analogues spatiaux », les hivers de Montréal pourraient ressembler à ceux d’Indianapolis (Indiana) d’ici 2100, dans le cadre du scénario à fortes émissions. La température maximale normale en hiver à Indianapolis est de 3,7 °C, soit 7,2 °C de plus que la normale 1981-2010 à Montréal.

Améliorer la préparation aux changements climatiques

En résumé, l’avenir du patinage extérieur au Canada est confronté à des défis en raison du changement climatique. Les patinoires extérieures ne sont pas seulement des lieux d’activités physiques, elles jouent également un rôle crucial dans le bien-être social et mental et dans la promotion de l’engagement communautaire au sein de divers groupes. La hausse des températures au Canada, en particulier pendant les mois d’hiver, entraîne des répercussions négatives sur l’entretien et la viabilité de ces patinoires. Les tendances historiques et les projections climatiques indiquent une réduction de la durée de la saison de patinage extérieur, comme en témoignent les périodes d’exploitation plus courtes et imprévisibles de patinoires notables telles que celle du canal Rideau à Ottawa.

Les prévisions saisonnières pour les mois restants de la saison hivernale 2023-2024 indiquent la possibilité de températures supérieures à la saison, soutenues par le phénomène El Niño dans le Pacifique. Associées au réchauffement climatique en cours, ces informations laissent présager de nouveaux défis pour les exploitants de patinoires dans tout le pays. Les projections climatiques futures pour les grandes villes comme Toronto, Calgary et Montréal indiquent toutes une diminution du nombre de jours froids, même dans un scénario plus optimiste de faibles émissions de carbone, ce qui signifie que ces défis continueront à se poser dans les années à venir.

Compte tenu de ces défis, il est essentiel d’explorer et de mettre en œuvre des stratégies d’adaptation pour soutenir le patinage extérieur au Canada. Il pourrait s’agir de tirer parti des avancées technologiques en matière de réfrigération des patinoires, d’utiliser les patinoires à des fins multiples tout au long de l’année (p. ex. patinoire en hiver et patins à roulettes ou vélo en été), et d’entreprendre des efforts communautaires pour investir davantage dans les patinoires et les entretenir (p. ex. à la patinoire Bentway de Toronto (en anglais seulement), le site propose des expositions d’art local, des festivals de musique et des programmes d’éducation à l’environnement, tels que des jardins d’eau de pluie, afin d’accroître l’intérêt de la communauté pour la patinoire). Pour préserver le patinage extérieur au Canada dans un climat changeant, nous devons faire des investissements éclairés par le climat – pour ce faire, nous devons savoir à quoi ressemblera notre climat futur à court et à long terme. Pour découvrir ce que votre communauté pourrait vivre à l’avenir et pour soutenir les décisions informées par le climat lors de la planification de ces conditions climatiques, nous vous encourageons à explorer Donneesclimatiques.ca pour plus d’informations, de ressources et d’études de cas.

Références:

Brown, L. C., & Duguay, C. R. (2010). The response and role of ice cover in lake-climate interactions. Progress in Physical Geography: Earth and Environment, 34(5), 671-704. https://doi.org/10.1177/0309133310375653

Commission de la capitale nationale. S.d. Histoire de la patinoire du canal Rideau. Accédé le 24 janvier, 2024 de : https://ccn-ncc.gc.ca/endroits/histoire-patinoire-canal-rideau

Chen, Y., & She, Y. (2020). Long-term variations of river ice breakup timing across Canada and its response to climate change. Cold Regions Science and Technology, 176, 103091.

Damyanov, N. N., Matthews, H. D., & Mysak, L. A. (2012). Observed decreases in the Canadian outdoor skating season due to recent winter warming. Environmental Research Letters7(1), 014028.

Dickau, M., Matthews, D., Guertin, É., & Seto, D. (2020). Projections of declining outdoor skating availability in Montreal due to global warming. Environmental Research Communications2(5), 051001.

Environnement et Changement climatique Canada. 2023. Bulletin des tendances et des variations climatiques: : Hiver; 2022-2023. ISSN: 2367-9794.Horgan, M., Liinamaa, S., Dakin, A., Meligrana, S., & Xu, M. (2020). A shared everyday ethic of public sociability: Outdoor public ice rinks as spaces for encounter. Urban Planning5(4), 143-154.

Ottawa Citizen. 2024. NCC closes Skateway for season. Consulté le 27 février 2024:  Skateway closes for the season Sunday at 10 p.m. | Ottawa Citizen

Zhang, X., Flato, G., Kirchmeier-Young, M., Vincent, L., Wan, H., Wang, X., Rong, R., Fyfe, J., Li, G., et V.V. Kharin. « Les changements de température et de précipitations pour le Canada », chapitre 4 dans Rapport sur le climat changeant du Canada, E. Bush et D.S. Lemmen (éd.), gouvernement du Canada, Ottawa, Ontario, 2019 p. 113-193.